Inde : la science favorise le « génocide féminin »

En Inde, depuis l’arrivée de l’échographie et l’avortement, on recense de très nombreux cas de foeticide des filles. A cela s’ajoutent l’infanticide des petites filles qui a des racines historiques depuis très longtemps. Ces événements ont pris une ampleur si importante que l’on peut presque parler de « génocide féminin ».

Depuis plusieurs décennies, naître fille en Inde est un handicap. Dans les familles, la naissance d’un garçon est symbole de réussite. Une fille sera quant à elle toute sa vie sous autorité masculine. Les filles sont considérées comme des fardeaux économiques pour les parents, qui vont devoir lui fournir une dot et la marier. Elles souffrent souvent de discrimination, par exemple pour l’accès aux études qui leur est beaucoup plus restreint. A cause de ces conditions, des femmes indiennes en viennent même à ne pas vouloir donner naissance à une fille pour ne pas lui faire subir ce qu’elles endurent au quotidien. De nombreuses femmes enceintes de filles renoncent alors à leur grossesse, complètement influencées par les pressions sociales.

L’infanticide des petites filles consiste à les éliminer peu de temps après la naissance. Il s’agit d’un phénomène que l’on retrouve principalement dans les régions rurales de l’Inde. Les familles pauvres qui les peuplent n’ont pas accès à un diagnostic prénatal leur permettant de connaitre le sexe de l’enfant à naître, et un avortement serait de toute façon trop cher pour eux. De nombreux parents tuent leur petite fille dès leur naissance. Celles qui sont gardées en vie subissent généralement de mauvais traitements, et meurent avant 5 ans car la famille ne veut pas trop dépenser pour elles en nourriture ou en médicaments. Les filles n’en valent pas la peine.

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Cependant les familles aisées privilégient elles aussi une descendance masculine et le nombre de naissances de filles diminue également dans les foyers situés en haut de l’échelle sociale. Les foeticides, avortements sélectifs de fœtus féminins, sont devenus pratique courante dans les milieux riches et cultivés. En Inde, révéler le sexe du futur enfant aux parents lors de l’échographie est interdit aux médecins par la loi. L’avortement est illégal s’il est motivé par le sexe de l’enfant. Mais la loi n’est pas respectée. Selon le Centre de recherche en santé mondiale de Toronto, il y a eu 12 millions d’avortements de fœtus féminins au cours des trois dernières décennies en Inde. Cela représente de nos jours, selon les sources, entre 500 000 et un million de fœtus féminins avortés par an. Plus choquant encore, les avortements sont pratiqués par les médecins à n’importe quel mois de la grossesse, parfois sur des fœtus jusqu’à 8 mois !

Ainsi, en Inde, le nombre de filles est moins important que le nombre de garçons. D’après le recensement de 2011, l’Inde compterait 37 millions d’hommes de plus que de femmes. Le pays a l’un des ratios hommes-femmes les plus déséquilibrés au monde : en 2011, 914 filles naissaient pour 1000 garçons.

Selon les sources, entre 50 et 60 millions de femmes seraient manquantes en Inde. Ce phénomène est parfois qualifié de « bombe à retardement démographique ». Les jeunes garçons ne sont pas en mesure de se marier, et cela a des conséquences comme l’augmentation du nombre de crimes sexuels.

Depuis quelques années, des campagnes sont lancées pour dénoncer ce « génocide féminin ». Rita Banerji, écrivain militante pour l’égalité des genres, a fondé en 2006 la campagne « 50 Million Missing ». Son but est de faire prendre conscience à la population de l’ampleur des crimes commis contre les filles, et d’agir contre ces pratiques criminelles.

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Un cas d’eugénisme actuel ?

En Inde le foeticide féminin n’est pas une politique lancée par l’Etat. Au contraire, cette pratique est interdite par la loi. Cependant comme nous l’avons vu, l’eugénisme a une application plus large que l’eugénisme d’Etat, mis en pratique par exemple aux Etats-Unis au début du XXème siècle ou sous le régime nazi.

Ici ce n’est pas dans le but d’améliorer l’espèce humaine que les parents font appel à diverses techniques pour s’assurer une descendance masculine. Le « génocide des filles » est une pratique criminelle mais aux origines culturelles. C’est le résultat de décisions individuelles des parents, qui, dans la recherche de l’enfant de leurs souhaits, pratiquent une sélection basée sur un critère tel que le sexe pour éliminer fœtus ou nouveau-nés féminins. C’est en cela que l’on peut parler d’eugénisme.